Éditions PLEIN CHANT

Juin 2020

    



ZO D'AXA et JAN DAU MEHLAU




    
    
   
Zo d'Axa (1864-1930)  par G. Randon.


Zo d’Axa, de son nom Alphonse Gallaud, tandis que le pseudonyme, formé avec deux mots de grec ancien vivre et mordre — tout un programme ! — apparaît en homme de lettres paradoxal au regard des classifications. Journaliste, il a écrit dans La Revue Blanche, La Renaissance, La Vie illustrée, L’Ennemi du peuple, il a surtout fondé L’Endehors, encore un titre explicite,  journal de quatre pages pourchassé par le pouvoir politique, qui vécut du 5 mai 1891 au 19 février 1893 en lançant des coups d’épée contre la société en général et en particulier contre la Justice — avec une majuscule —, par le biais de faits divers souvent criminels, rapportés dans le journal. Où qu’il écrive et quoi qu’il écrive on ne peut qu’être sensible à la qualité de son style, et à l’originalité toute littéraire de sa manière de concevoir l’anarchie. Cette qualité littéraire est confirmée par les noms de la plupart des auteurs ayant écrit pour L’Endehors, cités en note de l’article « Nous », dans le livre Endehors paru chez Chamuel en 1896. On retiendra Napoléon Roinard, Georges Darien, Fénéon, Lucien Descaves, antimilitariste autant que Zo d’Axa, Victor Barrucand, Ghil, Saint-Pol Roux, Camille Mauclair, Octave Mirbeau, Tristan Bernard, Paul Adam, Émile Verhaeren, Henri de Régnier, Francis Vielé-Griffin.
P
our avoir dirigé L’Endehors Zo d’Axa fut condamné à huit mois de prison et deux mille francs d’amende, puis il quitta la France pour l’Angleterre, laissant L’Endehors aux soins de Félix Fénéon, Victor Barrucand, Bernard Lazare et du poète symboliste Pierre Quillard. Un choix d’articles par Zo d’Axa paraîtra en 1896 (Paris, Chamuel), sous le titre Endehors, 249 pages, la dernière donnant le portrait — rien que la tête (pittoresque) — d’un Zo d’Axa dessiné par Félix Vallotton pour Le Rire. De ses condamnations passées, Zo d’Axa entretiendra le public lettré en écrivant quelque deux ans après la mort de son journal et en prison un ouvrage littéraire illustré, De Mazas à Jérusalem, Dessins de Lucien Pissarro, Steinlen (Steinlein de son nom ce qui l’amena à signer Petit Pierre, renvoyant à « petite pierre », traduction en français de l’allemand Steinlein, des dessins donné à l’hebdomadaire satirique Le Chambard socialiste), Félix Vallotton (Paris, Chamuel, 1895), Mazas étant le nom d’une prison parisienne. Zo d’Axa racontait dans le même style littéraire que celui de L’Endehors ses condamnations judiciaires pour délits de presse et une part de sa vie personnelle de voyageur exotique, parcourant la Dalmatie, séjournant à Athènes, Constantinople, Samos, Chypre, Beyrouth, Jaffa et plusieurs fois emprisonné. Quand en janvier 1894 il le fut à Jaffa (Palestine) où régnaient les Turcs, il sera renvoyé en France et mis en prison à Marseille d’où il sera envoyé dans une prison parisienne, Sainte-Pélagie, où il écrivit De Mazas à Jérusalem avant d’être libéré en juillet 1894, puis aussitôt repris par la justice.
Plein Chant réimprimera en 2007 dans la collection Type-Type ce livre autobiographique sous le titre De Mazas à Jérusalem ou Le Grand Trimard, en l’ornant de nombreuses illustrations variées par leur origine mais aussi par leur place dans le texte.


 
Le livre avait été en effet publié pour la première fois en Belgique, par Henry Kistemaekers, sous le titre « Le Grand Trimard » (1895)
. 
Sans renoncer au style littéraire, Zo d’Axa lance vers la fin de 1897 un journal d’une feuille, la feuille (graphie en italique et sans majuscule), au recto un dessin de Steinlen, Willette, Léandre, Hermann-Paul, Couturier, Anquetin ou Luce ; au verso, un texte de Zo d’Axa, unique rédacteur.
Ci-dessous deux titres empruntés à la feuille par Zo d'Axa (Le Vent du Ch'min éditeur), puis rééditée par Du Lérot, à Tusson (Charente) qui donne les 25 numéros. Le premier affiche un homme à terre, battu à coups de pied et menacé de matraques, le second vise un agent de police surnommé "Mort aux vaches" qui venait d'être libéré après son emprisonnement pour le meurtre d'une jeune fille. 






 Lucien Descaves, à qui nous avons emprunté quelques-unes des informations précédentes venues de Souvenirs d’un ours (Les Éditions de Paris, 1946) voyait Zo d’Axa non pas en anarchiste mais en réfractaire, réfractaire « à la manière de Jules Vallès ». Si éloignés l’un de l’autre que fussent Zo d’Axa et Vallès, on ne peut qu’agréer au rapprochement. Dans Le Père Peinard du 10 janvier 1892, on pouvait lire, après la condamnation en justice de L’Endehors, « ces vaches-là ne foutront jamais la paix aux bon bougres. Voici qu’ils s’en prennent à L’Endehors qui, sans être anarcho n’en a pas moins une riche allure. » Victor Méric, dans Coulisses et Tréteaux, sous-titré À travers la jungle politique et littéraire, 2e série (Paris, librairie Valois, 1931) consacrera une longue notice à Zo d’Axa, « Un écrivain : un homme : Zo d’Axa » dans laquelle il nous apprend que Zo d’Axa s’était lancé dans la littérature dès après avoir déserté, tout jeune, du régiment des chasseurs d’Afrique, et avait écrit de courts poèmes, sans les publier. Quelques-uns cependant parurent plus tard, dans les trois premiers numéros de L’Endehors. Lucien Descaves rendait implicitement hommage à un Zo d’Axa en pleine possession d’un style littéraire, et surtout étranger à toute action violente, en un mot, libertaire. André Salmon le dira tout net dans La Terreur noire (Paris, Pauvert, 1959, p. 417) : « Tout en Zo d’Axa annonce, dénonce le libertaire, le parfait individualiste. » En dernière analyse, nul mieux que Zo d’Axa écrivain n’a cerné l’individu Zo d’Axa : « Nous nous battons pour la joie des batailles et sans rêve d’avenir meilleur. Que nous importent les lendemains qui seront dans des siècles ! Que nous importent les petits neveux ! C’est en dehors de toutes les lois, de toutes les règles, de toutes les théories — même anarchistes — c’est dès l’instant, dès tout de suite, que nous voulons nous laisser aller à nos pitiés, à nos emportements, à nos douceurs, à nos rages, à nos instincts —
avec l’orgueil d'être nous-même. » (« Nous », L’Endehors, p. 123). On retrouvera plusieurs fois la même idée en lisant De Mazas à Jérusalem. Au chapitre II, « Provocation au meurtre » on lit : « Je voulais donner une feuille libre aux écrivains de ce temps assoiffés comme moi de parler franc [… un] groupement idéal, sans hiérarchie, sans comparses, dans lequel l’individu, l’artiste s’épanouirait en sa personnalité toute, jalouse même de n’être point étiquetée. » Au chapitre V, « Des deux côtés », Zo d’Axa exprime sa règle de conduite, sorte d’impératif moral, en lequel on verrait un renoncement à la poésie : « Être l’homme affranchi, l’isolé chercheur d’au-delà ; mais non fasciné par un rêve. »
Sautons de nombreuses années.



Au printemps 2006 parut un numéro double (81-82) de la revue Plein Chant sous le titre, sur la couverture, de Zo d’Axa l’Endehors, par Béatrice Arnac, présenté avec une centaine de témoignages, et à l'intérieur (page 11) Zo d'Axa, l'Artistocrate par Béatrice Arnac d'Axa. 
L’auteur était la petite-fille de Zo d’Axa, et son texte se voit enrichi d’une centaine de témoignages, dont ceux de Paul Adam, Victor Barrucand, Georges Clemenceau, Georges Darien, Lucien Descaves, Georges Eekhoud, René Emery, Félix Fénéon, Henry de Goudourville, Clovis Hugues, Charles Malato, Victor Méric, Jean de Mitty, Adolphe Retté, Camille de Sainte-Croix, Séverine, Laurent Tailhade. Chaque témoignage est accompagné d’une image liée au texte, à quoi s’ajoutent d’autres images documentaires de toute sorte — un exploit de typographie.

Le dossier avait été rassemblé et publié par Jan dau Melhau, pseudonyme de Jean-Marie Maury, né en 1948, occitan pur et dur. De lui on conseillerait volontiers de lire Mon Dictionnaire ou Mais qu’est-ce que je fous dans ce merdier ? (chez l’auteur), achevé d’imprimer en mai 2002 sur les presses de Plein Chant à Bassac (Charente), 2002.



JAN DAU MELHAU








Un petit livre,
10x16 cm, 110 pages, allant d’Absurde à Vivre, en passant par Melhau, « Le milieu de ce lieu, béni des dieux, c’est mon nombril », dont voici trois passages.




CITOYEN. - l. En s'adjectivant, le mot en a profité pour perdre le peu de sens qui lui restait, qualifiant tout et n'importe quoi, du comportement à l'entreprise (le bouquet !) en passant par l'engagement.
Dans un souci de concrétion, je fais en ma gamme un saut de quinte, passant du ci au mi, faisant de citoyen mitoyen, une valeur sûre, ce mot-là, tout de précision juridique, et qui parle bien de communauté et de partage, fût-ce au prix d'un mur (que nous aimerions remplacer par une belle haie de charmes et de noisetiers, mais avec une bonne mobilisation bien citoyenne, je pense que…).

2. Le citoyen est un homme abstrait, délivré de ses rêves et de ses maux de ventre, dont l'intelligence pure est vouée à l'intérêt général qui est bien évidemment la somme éthérée de ces désincarnations.

On est là, on l'aura compris, bien loin des petites mesquineries de chacun, du style « que vais-je faire à manger à midi ? », « est-ce grave docteur ? », « savoir si je l'aime vraiment ? »

Je ne sais pas vous, mais moi (sans doute en suis-je à un stade d'humanisation trop peu avancé) je parviens mal à un tel abandon de soi que j'imagine assez bien cependant se glissant avec une froide délectation dans une vie sociale aussi sublime, comme une main dans un gant qui lui va bien.


MOTS. - Le vécu, le quotidien, jadis vécus quotidiennement en leur quotidienneté de vie, de vie si quotidienne, adjectifs promus, substantivés (auxquels ne manque plus que l'initiale majuscule qui finira de les vider de toute substance), ne cessent de nous interpeller quelque part, tant ils sont un thème récurrent, emblématique de notre époque. A leur niveau (on met beaucoup à niveau), les acteurs de la vie sociale, ceux qui travaillent sur le terrain, sur le quartier, te diront que ce n'est pas évident à gérer si tu n'as pas suffisamment envie de t'impliquer. Il faut se bouger le cul, initier des projets, je ne sais pas moi, investir un espace, un lieu, créer un pôle, sans jamais te couper, c'est clair ! de la société civile, et toujours, ne l'oublie pas ! avec une motivation citoyenne, entouré de personnes-ressource sociétalement responsables. Ah, bien sûr, on est loin du plan de carrière, mais c'est un plus pour combattre la morosité ambiante.
Dois-je continuer ? Je vous jure que je peux, mais c'est peut-être assez. Aligner des mots et s'en payer. Langue de bois, de bois de buis, de bois de houx, dur et noueux sur laquelle le verbe vole en éclats en t'emportant la gueule ! Baratin, blablabla socio-cul. Dire que c'est du vent, c'est faire injure au vent, élément respectable et utile, caressant et fougueux, imprévisible, en somme un vrai langage !


POMMES. – Heureuses pommes des pommiers ! Dorlotées de trente pulvérisations fongherbinsecticides, elles passent désormais tout leur petit cycle de vie bien à l’abri dans un grand sac en plastique…

 

 

            

Accueil | Table des matières d'Ajouts | Nouveautés