ÉDITIONS PLEIN CHANT

AJOUTS

Novembre 2021

 





Un dictionnaire polyvalent
mais surtout satirique.

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      Philibert Joseph Leroux est l’auteur d’un dictionnaire signé P. J. Leroux mais portant une mention éditoriale fantaisiste : Pampelune, et pourvu d’un interminable titre :

Dictionnaire comique, satyrique, critique, burlesque, libre et proverbial,

Avec une explication très-fidelle de toutes les manieres de parler burlesques, comiques, libres, satyriques, critiques et proverbiales, qui peuvent se rencontrer dans les meilleurs Auteurs, tant anciens que modernes.

Le tout pour faciliter aux étrangers et aux François mêmes l'intelligence de toutes sortes de livres.


De cet auteur très peu connu on sait qu’il mourut à Bruxelles vers 1735, mais on ne connaît même pas sa date de naissance. Son Dictionnaire, publié pour la première fois en 1718 connut plusieurs éditions et la dernière, parue de son vivant, éditée à Lyon chez les héritiers de Beringos Fratres, à l’enseigne d’Agrippa, datait de 1735. Elle sera suivie en 1786 d’une édition posthume — celle que nous avons utilisée — en deux volumes, dite Nouvelle édition revue, corrigée et considérablement augmentée. Voici un court passage  de l’Avertissement  :

le Dictionnaire comique contient ce qu'il y a de plus curieux et de plus intéressant dans les belles-lettres. Il y a pour les jeunes gens qui ont tant de peine à se défaire du style pesant et emphatique, qu’ils ont puisé dans les écoles, où on ne leur apprend qu’à produire ce qu’on appelle des phrases, des tournures simples, des modèles d’élégance, de pureté et de naturel, sans lesquels il n’y a point de beau style. […] Qui pourroit lire les Œuvres de Rabelais, de Marot, etc. sans être arrêté à chaque page ? Ceux de Ronsard, de Théophile [Théophile de Viau], de Scarron, n’ont-ils pas besoin d’être expliqués ?

Leroux cite nombre d’auteurs connus, mais il exploite également la langue parlée de son temps ou des vieux mots désuets, avec la mention v.l. [vieille langue] auxquels il redonne vie.
Ce Dictionnaire, nous l’avons lu non comme un dictionnaire traditionnel mais en suivant le texte comme s’il s’agissait d’un — presque ! —roman ou, plus modestement, d’un récit. Nous en donnons plus loin deux extraits. Dans la mesure où les êtres humains sont composés par la nature d’un esprit et d’un corps, nous avons intitulé le premier de ces extraits « La tête » car il donne de nombreuses occurrences du mot tête dans le langage parlé ou écrit, contemporain ou ancien. Le second extrait, intitulé « Le corps », donne des mots et des phrases, eux aussi pris dans le présent ou le passé, mais relevant toujours du genre libre ou satyrique, autrement dit la sexualité.



   









 
   
  

LA TÊTE

   Tome II, pages 520-523.

TÊTE. Il est comme le bonnetier, il n'en fait qu'à sa tête. Se dit d’un entêté, d’un opiniâtre.

Ce sont deux têtes en un bonnet. Signifie, que ce sont deux bons amis, qui n’ont qu’une même volonté.

Il a la tête plus grosse que le poing, et si [et pourtant] elle n’est pas enflée. Se dit ironiquement de celui qui fait le malade.


Bonne femme, mauvaise tête.

    
Un tête-à-tête
, C’est une conversation particulière entre deux personnes qui se veulent du bien, qui s’aiment, ou qui ont quelque chose de secret à se communiquer, un entretien secret dans un lieu éloigné du bruit et du monde, dans un endroit où personne ne peut être témoin de leurs discours, une entrevue où deux personnes s’entretiennent ou se font des caresses sans tiers.


L'ombre d'un tête-à-tête, & dedans & dehors
Me fait même en été frissonner tout le corps.

                    (DANCOURT, le Joueur.)

Aller tête baissée. Pour s’abandonner, aller sans considération, témérairement, se jeter en furieux, en perdu et désespéré. (SARRAZ. Dial.) [Jean-François Sarrasin, 1614-1654. Dialogues]

Autant vaudroit se battre la tête contre un mur. Pour dire, prendre de la peine inutilement.

Il y va de cul et de tête, comme une corneille qui abat des noix
. C’est-à-dire, qu’il s’y emploie de toute sa force.

Grosse tête, peu de sens
.

Il a des chambres vuides à louer dans la tête, il a la tête à l’évent, ou, il a une tête de linotte. C’est-à-dire, qu’il est fou, qu’il a la tête légère, une tête sans cervelle, une tête verte, mal timbrée, démontée.

Tête de fou ne blanchit jamais
.


On voit bien à ses yeux que sa tête n'est pas cuite
. Pour signifier, que le vin lui a donné dans la tête, qu’il a bu du casse-tête.


Autant de têtes, autant d'opinions.

Je
suis aussi étonné de cela que si les cornes me venoient à la tête.

On dit qu’un homme est bien chaudement la tête au ruisseau. En plaignant celui à qui quelque malheur est arrivé.

J'y mettrois ma tête, j’y donnerois ma tête, j'y gagerois ma tête à couper, et si [[et pourtant] la gageure d'un fou. Pour dire, que j’en suis bien assuré.

La tête emporte le cul
. C’est-à-dire, le plus fort emporte le plus foible.

La tête donne bien du mal à ses pieds
. Se dit d’un homme inquiet.

Quand un vieillard est vigoureux, on dit qu’il est comme le porreau [poireau], qu’il a la tête blanche et la queue verte.

Il est accoutumé à cela comme un chien d'aller nue tête.
.

On dit chez les jardiniers, que quand le diable voudroit replanter sa femme, il lui couperoit la tête. Parce qu’ils étêtent tout ce qu’ils transplantent.
 
Jeter une marchandise à la tête. Signifie, offrir de la donner à vil prix.

Pourquoi n'aura t-elle pas une tête ? une épingle en a bien une. Se dit d’une personne opiniâtre.

Baisser la tête
. Pour soumettre, obéir, bouquer [obliger quelqu’un à subir une humiliation, une contrainte] coucher comme un chien, ramper. Je ne fais autre chose que de vous obéir et de baisser la tête. (DOM QUI [CHOTTE], t. 2).

Avoir la tête près du bonnet
. Manière de parler, qui signifie n’endurer pas aisément, être prompt, brusque.
 
Et de plus que Junon la folle,
Dont la tête est près du bonnet.
(SCARON, Virg. trav.) [Virgile travesti
]

Avoir la tête chaude. Manière de parler, qui signifie se mettre facilement en colère, n’aimer guère à souffrir long-tems, prendre aisément feu, être prompt à se fâcher, avoir la tête près du bonnet.
Ma femme bien souvent a la tête un peu chaude.
(
Mol. Femm. sav.) [Molière, Les Femmes savantes].

Ne savoir où donner de la tête.
Pour ne savoir en quel lieu aller, ne savoir que faire, qu’entreprendre, ne savoir où s’adresser ; aussi pour être désespéré, oisif, mal en ses affaires, ne savoir de quel bois faire flèche [au Moyen Âge, lorsque le chasseur n’avait plus de flèches il utilisait ce qu'il trouvait pour y parvenir]. (SARRAZ. Dial.) [Jean-François Sarrasin (1614-1654)].

 


  
   
 







  



Mots et expressions libres.





    

ACCOMMODER. Ce mot […] veut dire autant que faire le déduit, ou avoir un démêlé amoureux avec une femme. C’est un terme de débauche, qui est aussi significatif que le gros mot de F…
AVEUGLE.
Loger l’aveugle. Pour faire le déduit, l’action vénérienne. Pour loger l’aveugle on devient aveugle. (CHOL. Cont. [Contes de Nicolas de Cholières])
BAISOTTER. Pour baiser sans cesse, lécher le grouin, le museau. Exprime aussi quelquefois l’action de deux personnes qui s’entredonnent de petits baisers ou coups de bec tendres et amoureux, pour s’agacer l’un l’autre.
ENCHOSER.
Pour l’action d’un homme qui veut prendre ses ébats avec une femme, et qui lui met son membre dans sa nature, comme prélude du branle qu’ils veulent danser.
Or si chose à la fin ne vous laisse enchoser.
(Cabin. Sat. [Le Cabinet satyrique ou Recueil parfaict des vers picquans et gaillards de ce temps, première édition 1618])
LE FAIRE.
Pour le faire à une femme, la bricoler, se divertir avec elle, la baiser et lui donner du plaisir.

Jamais le folâtre Aretin

Ne le fit en tant de postures. (Cab[inet] Sat[yrique])

FANFRELUCHER. Pour brimbaler une femme, faire le petit tracas, faire le vous m'entendez bien. Ils fanfreluchoient à chaque bout de champ. (RABEL[AIS]).
FLANQUER. Pour donner, appliquer.

Alors le bon-homme lui flanque

Certains baisers entre les dents. (Cabin[et] Sat[yrique]

FOUTRE. Mot sale et indécent, qui n’est proféré d’ordinaire que par des personnes mal élevées, par des brutaux, des polissons, des libertins et des gens sans mœurs. Il signifie faire le déduit, se réjouir avec une femme, lui courir la poste sur le ventre. Ce mot pris substantivement, veut dire le sperme, la semence, la liqueur qu’on répand au jeu d’amour.
FRETILLARDEMENT. Pour gentiment, agréablement, parlant de baiser sur la bouche, ou sur le tetton. Ce mot signifie fretiller avec la langue.

Suçotant fretillardement,

Dérobons-nous tout doucement,

Par un baiser, l’ame et la vie. (Parn. des Mus.) [Le Parnasse des Muses].

 
PIQUER. Pour donner le grand plaisir à une femme, en jouir. De vieilles bigornes, qui n’épargnent ni or, ni argent pour se faire piquer. (CHOLIERES, Cont. [Contes de Cholieres]).
LE PETIT PLAISIR.  Pour le déduit, le conjungo, le commerce criminel des femmes, la guerre de Cypris, la petite joie, le plaisir de la chair. Adroit à cheval, amateur du jeu et du petit plaisir. (Luc. en belle humeur) [Lucien en belle humeur ou Nouvelles conversations des morts, Amsterdam, 1694].
POINÇON. Pour membre viril, appelé poinçon, parce qu’il pique, mais sans faire de mal.

Il me met entre les jambes

Son petit poinçon gaillard.

(Parn. des Mus.) [Le Parnasse des Muses].


Pondre deux en un même nid
. Manière de parler métaphorique, dont on se sert lorsque deux personnes caressent une même femme, et jouissent d’elle tous deux.

En même nid furent pondre tous deux.
(LA FONTAINE, Contes.)
POSTE. Dans le sens libre et de débauche de femme, ce mot signifie coup, décharge, injection, lorsque l’homme achève le plaisir qu’il prend avec une femme. Faire une poste. C’est, en terme de débauche, f… un coup.

Gaillardement six postes se sont faites,

Six de bon compte. (LA FONTAINE, Con. [Contes])

SARDANAPALE. Pour débauché, efféminé, qui mène une vie licentieuse, efféminée, lubrique, qui vit dans la mollesse, dans le repos, et dans les plaisirs les plus défendus et les plus criminels.

Voudrez-vous bien passer vos jours

A faire le sardanapale ?

(SCARON, Virg.[ile] trav.[esti])


TRAFIC. Le petit trafic. Signifie le métier d’une coureuse, d’une femme de mauvaise vie, vente ou débit de chair humaine.
Faire le petit trafic. Signifie mener une mauvaise vie, vivre dans la débauche, faire métier et marchandies de trafiquer en femme. C’est le propre des maquerelles. (Cabin.[et] Satyr.[ique].)
VISAGE. Ce mot, dans le burlesque, se prend à contresens, & signifie le cul, le derrière.
                        Ce visage gracieux,
                        Qui peut faire palir le nôtre,

Contre moi n’ayant point d’appas,

Vous m’en avez fait voir un autre,

Duquel je ne me gardois pas.

(Voit.[ure] Poés[ie].)




  
    


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