Éditions PLEIN CHANT

APOSTILLES

  15 mars 2017

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LES ORNEMENTS DISSOLUS  des Dames et Damoyselles

L'auteur de Remonstrance charitable aux Dames et Damoyselles de France sur leurs ornements dissolus (Paris, 1585), le frère Antoine Estienne, cherchant à convaincre les femmes de renoncer au maquillage, aux robes de velours, satin, damas et taffetas, aux bijoux et autres ornements, recourt à l'arsenal rhétorique des Pères de l'Église, essentiellement Tertullien, vivant à Carthage au deuxième siècle après J.-C. et auteur de De cultu feminarum (Des ornements des femmes). Il cite, entre autres, sainct Cyprian, autrement dit  l'évêque Cyprien de Carthage,  mort en martyr en 258 après J.-C., dont les œuvres seront imprimées en France au seizième siècle. Pour le père Cyprian, la question des ornements est réglée : bijoux, vêtements à la mode « et les inventions de donner grâce au visage ne sont convenables, sinon aux femmes impudiques et prostituées » (p. 17).  



 Remonstrance charitable, p. 43-44

Que diray-je maintenant du soin et de la sollicitude que vous mettez à vous farder, à peindre et plastrer votre visage, et à batailler contre la vérité d’iceluy, sinon que les diables (comme fort bien tesmoigne monsieur sainct Cyprian) vous ont enseigné cette leçon ? […] Dieu dit que personne ne peut faire un chacun blanc ou noir, et toy, misérable, pour surmonter et vaincre la parole de ton Dieu, tu veux estre plus belle ; d’un effort audacieux et sacrilége mespris tu te veux faire les jouës rouges et vermeilles […]

 Ibid. p. 45

Vous avez souillé et pollu vostre peau d’un faux médicament ; cette figure est corrompue, c’est là un visage estranger. Vos yeux ne pourront voir Dieu, car les yeux que vous avez ne sont pas ceux que Dieu a créés, mais ceux que le diable a souillés. Vous l’avez ensuivi et avez imité les yeux reluisants du serpent, avec lequel vous bruslerez éternellement au feu d’enfer.



  

On ne sait si  Georges de Brébeuf (1617-1661) avait lu la Remonstrance charitable, toujours est-il qu'il s'intéressa lui aussi aux femmes  pour les dissuader de se maquiller, mais d'une manière tout à fait différente, par des épigrammes et des madrigaux,  insérés dans ses Poésies diverses (Paris, 1658) sous le titre La Gageure ou Cent Cinquante Epistres & Madrigaux, contre des femmes fardées.


XXIV
On glose sur vos appas,
Icy tout haut, là tout bas,
Mais quoy que chacun en die,
Je n’en dy ny bien ny mal
Pour juger de la copie,
Monstrez-moy l’original.



XCIV

Aujourd’huy Lize est assez belle,
Mais où prendre demain un visage aussi beau ?
Toutesfois j’ay peu de cervelle,
Elle en a plus de mille au bout de son pinceau.

   





CXXXVI

Vous voulez Blondins sans cervelle
Voir du matin Lize chez elle,
Attendez, jeunes estourdis,
Et ne pressez pas davantage :
Bien que Lize ait pris ses habits,
Elle n’a pas pris son visage.

      






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