Éditions PLEIN CHANT
Apostilles





     
  




Des noms d’auteur fictifs et descriptifs - I





par un fanatique de Pascal Pia,
néanmoins lecteur attentif de quelques autres bibliographes et catalographes







Plein Chant a édité plusieurs ouvrages parus sous un pseudonyme qui n'était pas destiné à cacher tel auteur, mais à faire sourire,
un pseudonyme "pour rire". L'écrivain qui se rapprocherait le plus de ces auteurs est Mérard de Saint-Just qui avait publié de son vivant : les Folies de jeunesse de sir S. Peters Talassa-Aitheï (Londres, 1777). On republia en 1792, sous un autre nom fictif utilisé par Mérard de Saint-Just de son vivant : Œuvres galantes et littéraires de Mme de Palmarèze (1792). Au XIXe siècle, les deux noms fictifs furent unis dans l'édition de Gay et  de Gay et Doucé (1882, 2 vol.) : Œuvres de la marquise de Palmarèze. Espiègleries, Joyeusetés, Bons Mots, Folies, Vérités de la Jeunesse de Sir S. Peters Talassa-Aitheï. Par Mérard de Saint-Just (Rotterdam, imprimé chez Joseph Van Ten Bock pour les Bibliophiles néerlandais).

De Mérard de Saint-Just, Plein Chant a édité une comédie relevant de ce que l'on a appelé le Théâtre d'amour :

L'Esprit des mœurs au XVIIIe siècle


L'Esprit des mœurs… (Plein Chant, 2008)  est précédé de La Matinée libertine, couramment attribuée à Nerciat, et de L'Esprit des mœurs de M. D'Unsi-Terma, où l'on reconnaît une autre forme de pseudonyme anagrammatique.







Sous la Restauration, se succédèrent en une quinzaine d'années des publications accrocheuses par leurs titres et sous-titres d'une longueur hors norme et par un éventail étendu de pseudonymes. Elles étaient dues à un militaire antibonapartiste devenu homme de lettres, J.-P.-R. Cuisin, qui ne craignait pas de passer de l'évocation des Nymphes du Palais-Royal (1815) à celle d'Ombres sanglantes, rassemblées en une Galerie funèbre de prodiges, événements merveilleux, apparitions nocturnes, songes épouvantables, délits mystérieux, phénomènes terribles, forfaits historiques, cadaves mobiles, têtes ensanglantées et animées, vengances atroces et combinaisons du crime, puisés dans des sources réelles. Recueil propre à causer les fortes émotions de la terreur (1820, 2 vol. de 261 puis 255 pages). Dans la série des pseudonymes, on eut, en 1815, Les Crimes secrets de Napoléon Bonaparte, faits recueillis par une victime de sa tyrannie; en 1818, La Vie de garçon dans les hôtels garnis, ou Cujas, Esculape et l’Amour. Petite galerie galante, pittoresque, sentimentale et philosophique, faisant voir la lanterne magique des intrigues des hôtels garnis. Par un parasite logé à Pouf dans un grenier (il y en aura d'autres, c'est une série). En 1820 parurent Les Perfidies assassines, crimes et escroqueries d'un bambocheur du grand ton, ou l'Amour et l'Hymen qui la gobent. Par un écouteur aux portes, par fois farceur, par fois grave et même sermoneur (sic) et L'Amour au grand trot ou la Gaudriole en diligence. Manuel portatif et guide très-précieux pour les voyageurs… par M. Vélocifère, grand amateur de messageries. En 1821, on pouvait lire trois ouvrages sous pseudonyme : Les Cabarets de Paris, ou l'Homme peint d'après nature, par un dessinateur au charbon et un enlumineur à la litharges… ; Les Duels, suicides et amours du bois de Boulogne…, par un rôdeur caché dans un arbre creux de ce bois; Les Femmes entretenues dévoilées dans leurs fourberies galantes, ou le Fléau des familles et des fortunes, par une de leurs victimes. En 1822, il y eut Le Peintre des coulisses, salons, mansardes, boudoirs, mœurs, et mystères nocturnes de la capitale, ou Paris en miniature. Petite galerie, aussi instructive qu'amusante, et sous des formes allégoriques, d'esquisses philosophiques, sombres, gaies ou sentimentales, de secrets et usages inconnus de la première ville du monde, par un lynx magicien, qui sera publié de nouveau en 1823 sous le titre : Le Rideau levé, ou Petit diorama de Paris, description des mœurs et usages de cette capitale, par un lynx magicien. Citons encore:

Paris galant. La Vie de garçon dans les hôtels garnis, ou l'Amour à la minute…, par un bohème curieux logé à l'œil au grenier (1823) ;
Le Guide des épouseurs pour 1825, ou le Conjugalisme, étrennes aux futures, par un homme qui s'est marié sept fois (1825) ;
Le Manuel du parfait bouvier, ou l'Art de connaître les bestiaux, par une société d'agriculteurs… (1828).

      Pourquoi tous ces pseudonymes ? Par jeu pur, car Cuisin n'avait pas à se cacher; mieux, il cherchait à attirer l'attention. Un auteur de textes libres, au contraire, utilisait souvent un pseudonyme, mais par nécessité. Et la nécessité devenait double, lorsque l'éditeur œuvrait dans la clandestinité. Au dix-huitième siècle, un très mondain chansonnier, Collé (1709-1783), lecteur du duc d' Orléans, sut pour sa part  allier, au moins à deux reprises, le goût de jouer avec la langue et l'obligation de retenue. Il avait publié en 1753 Chansons nouvelles et gaillardes, sur les plus beaux airs de ce temps. Mises au jour rue de la Huchette, par un asne onime; et en 1765,




où l'on voit que l'âne onime est, avec le temps, devenu onissime. Le pseudonyme amusait, Collé jouait parfaitement son rôle de quasi bouffon. Qu'en est-il d'autres utilisateurs du voile nominatif ?




(Suite)