Éditions  PLEIN CHANT
Collection Gens singuliers


  


Louis-Agathe BERTHAUD
Bohème romantique et républicain

(Extraits)






[…] lorsqu'ils ne trouvent ni cuiller d'argent, ni portefeuilles, ni billets de banque, c'est-à-dire tous les jours que Dieu fait, les chiffonniers, plus sages que le héron de la fable, se rabattent sur le fretin et se gardent bien de dédaigner quoi que ce soit. Les yeux penchés vers la terre, comme des brutes, ils en fouillent du regard les plus imperceptibles cavités. Ils voient l'insecte qui se meut et le grain de sable qui luit entre deux pavés ; ils distinguent au milieu de la boue, et de fort loin, la tête éraillée d'un vieux clou ; rien n'échappe en un mot à leur minutieuse investigation, prompte, calme et passionnée tout à la fois. Aussi, lorsque le jour est bon ils ont bientôt rempli leur hotte que la plupart d'entre eux appellent mannequin et par dérision cabriolet. Les débris de vaisselle, les lambeaux de torchons, les talons de bottes, les tessons de bouteilles, les morceaux de papier gris, les restes de mèches à quinquets, les chiens tués ou empoisonnés, les ossements de toute nature et jusqu'aux fragments de légumes, tout est marchandise, tout a une valeur, tout est de bonne prise pour le chiffonnier. Avec ces ordures il fera de l'argent, ce pauvre alchimiste, et avec cet argent, il trouvera de quoi se repaître ; et il ne crèvera pas de faim.

(Les Chiffonniers, p. 221.)






(Page 139.)

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