Un des six textes du livre

    Un soir de dèche totale où mon estomac ruait dans les brancards j'ouvris au hasard (peut-être pour tromper la faim) le Nouveau Testament, ultime survivant de ma bibliothèque.

 Certaines lettres en caractères gras me sautèrent aux yeux et je lus, ahuri :

« J'AI soif »

Un vasE était là, pleiN de VInaigrE. Une éponge imbibée DE vinaigre fut MariEe à une BRANche d'hysope et on approcha LE couple de sa lèvRe. Quand JEsus eut prit le Vinaigre, il dit : « TOUt eSt aChEvé » ; il Dit EnCorE : « Je REmetS mon espriT Entre les mains DE MOn pèRe. LUi sEul… … » MaIs sa tête CHut, Et iL expira.

Juste au moment où j'achevais de décrypter la phrase en caractères gras : « J'ai envie de me branler. Je vous cède ce reste de morue, Michel » ; juste à ce moment on frappa doucement à ma porte.

C'était Josepha, la fille de ma logeuse, qui m'apportait timidement une assiette de charcuterie distraite du garde-manger familial. Je dévorai salami, andouille et hure, sous son regard ardent, expectorai et dis : « Merci ! petite Josepha… Venez souvent ainsi par la phrase en caractères gras ! » Ses yeux s'arrondirent, elle éclata en sanglots et… et s'éclipsa.

Fort de cet avertissement, je déménageai au petit matin à la cloche de bois. Ce jour là, je rencontrais par hasard, dans le bar où je buvais mon Nouveau Testament, le grand éditeur La Table Ronde : tel fut le début de ma fortune

Aujourd'hui, je puis si le cœur m'en dit m'acheter une bonne tonne d'air d'Asie.