Éditions  PLEIN CHANT
Collection Voix d'en bas


À propos de Louis Hobey
La guerre ? C'est ça !…

Notice par Camille Estienne & Edmond Thomas


Plus sur Louis HOBEY




Louis Hobey en 1936

Louis Hobey (1892-1960), enfant de l'Assistance publique, placé chez des paysans pauvres du Pays de Caux, connaît des débuts difficiles. Il devient instituteur grâce à un bon maître d'école qui l'aide à poursuivre ses études. Il a déjà enseigné deux années et s'est marié au cours de l'été 1913, lorsqu'il est appelé au service militaire en octobre de la même année – service prolongé jusqu'au début de 1919 par la Grande boucherie. Pacifiste, il n'y part pas la fleur au fusil ; il en revient épuisé, ayant échappé à la mort et aux blessures. De faible constitution, il a d'abord été affecté aux bureaux de l'auxiliaire puis, « récupéré », il se retrouve au front en mai 1915 comme fantassin, connaît dès lors par lui-même toutes les horreurs de la guerre. Près de vingt ans plus tard, à la veille de la Seconde guerre mondiale, qu'il voyait sans aucun doute venir, il publiera les souvenirs de toutes ces années inutilement gâchées par la folie dominatrice de quelques grands industriels, de quelques politiciens pervers, de diplomates aux ordres, le tout soutenu par des états-majors insensés, ordonnateurs aveugles de massacres comme on n'en avait jamais vus. Son livre n'est pas un roman, bien qu'il s'y soit dépeint à la troisième personne sous un nom d'emprunt : toutes les pages y retracent fidèlement son parcours à travers les cinq années du conflit. Parmi les combattants tués qu'il cite, plusieurs figurent sous leur vrai nom, tous semblent bien réels. Quelques noms d'officiers ont été modifiés mais sont reconnaissables grâce aux archives. De même les lieux et les événements sont identifiables grâce aux historiques des régiments et aux Journaux de marche des corps de troupe. Le récit de Louis Hobey est donc celui d'un vrai témoin de la guerre en même temps que l'autobiographie de ses plus noires années.

Son parcours militaire est consigné sur sa fiche matricule : il fut affecté aux 113e et 131e régiments d'infanterie, connut, après entraînement, les tranchées de l'Argonne et de la Somme, de l'Aisne, Juvincourt, Craonne, etc., fut nommé caporal en octobre 1916, sergent en avril 1918, grade dont il fut cassé fin 1933, suite à un article qu'il aurait publié contre la guerre. La fiche donne encore ses quatre citations, mais elle est muette sur son orientation politique, laquelle n'échappera pas à certains de ses supérieurs, et il en souffrira diversement. Cette fiche indique enfin qu'il est fait prisonnier lors de la retraite désastreuse de juillet 1918 pour ne rentrer en France qu'à la mi-janvier 1919. Il aura alors près de 27 ans. Il sera passé par divers camps de prisonniers. Le sort de ceux-ci et leurs conditions de vie dans les camps ont été généralement peu évoqués dans les livres de guerre, c'est l'un des aspects originaux de son témoignage d'y avoir prêté attention ; de même qu'à la détresse des grands blessés, des « gueules cassées », à qui il consacre des pages bouleversantes à travers l'évocation du destin brisé de son meilleur ami qui fut aussi son compagnon de misère dans les tranchées.

En janvier 1919, Louis Hobey retrouve le foyer familial et un poste d'instituteur à Petit-Quevilly (banlieue de Rouen). En 1932, il deviendra directeur de l'école à deux classes de Bezancourt, près de Gournay. Entouré d'autres militants, il applique dans son enseignement les méthodes pédagogiques de Célestin Freinet. Il est parallèlement trésorier du Syndicat des Membres de l'Enseignement Laïc de Seine-Inférieure et c'est dans la lutte syndicale, la propagande pacifiste et antifasciste que se dérouleront pour lui les années de l'entre-deux-guerres. Libre-penseur, il organise notamment des conférences avec André Lorulot, Félicien Challaye, Maurice Dommanget, Robert Jospin, etc. Mobilisé un court temps en 1939-1940, il se retirera ensuite dans le midi où il vivra ses dernières années entre le Gard et la Drôme ; toujours actif il publiera plusieurs brochures de tendance anarcho-syndicaliste. En 1975, dans un mémoire sur le syndicalisme en Seine-Inférieure qui donne une belle place à Hobey, Annie Delaunay écrira : « Libertaire, il demeura toute sa vie fidèle à ses conceptions syndicalistes révolutionnaires ».


Accueil | Retour à La guerre ? C'est ça !…