Éditions PLEIN CHANT

Marginalia


La Fontaine, Fables, livre I, fable 16

LA MORT ET LE BUSCHERON






n pauvre Bucheron tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans,
Gemissant et courbé marchoit à pas pesans,
Et taschoit de gagner sa chaumine enfumée.

Enfin n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
Sa femme, ses enfans, les soldats, les imposts,
              Le creancier, et la corvée,
Luy font d'un mal-heureux la peinture achevée.
Il appelle la mort ; elle vient sans tarder ;
              Luy demande ce qu'il faut faire.
              C'est, dit-il, afin de m'aider
A recharger ce bois ; tu ne tarderas guere.

               Le trépas vient tout guérir ;
              Mais ne bougeons d'où nous sommes.
              Plûtost souffrir que mourir,
              C'est la devise des hommes.




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