Les rémores sont des petits poissons légendaires qui auraient le pouvoir d’immobiliser les navires. Mais il y a dans ce mot une sorte d’écho à mémoire, à remémoration. Et ces récits, puisés dans les souvenirs, sont par leur écriture comme des arrêts sur image, ou comme des toiles peintes qui fixent les émerveillements d’un instant de vie. Ainsi l’intériorisation de moments vécus avec une force particulière à chacun réclame-t-elle parfois impérativement d’être reproduite ou dite, de laisser traces dans le grand relais de la mémoire universelle, propres à être transmises à qui par sa sensibilité sera à même de les recevoir et de les restituer vivantes dans des instants privilégiés d’observation ou de lecture. Alain Segura nous fait entrer ici dans des périodes éblouies de sa jeunesse et nous fait partager sa vision poétique, toute en introspection, des gens, des événements, des paysages qu’il restitue dans une coloration personnelle irremplaçable. Il nous entraîne d’une heureuse enfance limousine à des pérégrinations parisiennes dans un clair-obscur nervalien et à sa découverte de l’Espagne dont son père avait dû s’exiler lors de la Guerre civile. Des confidences retenues que l’on ne quitte pas sans une vive émotion.