Éditions PLEIN CHANT

Marginalia

21 août 2011


 
 Louis Guilloux. Apparition, disparition 


C'est un numéro de la revue Le Divan, daté de juillet-août. Oui, mais juillet-août 1930. Les critiques littéraires, réduites à quelques lignes défilent. Page 333: André Lamandé, Les Leviers de commande. Grasset. «Une idylle dans laquelle nous voyons Corydon régénéré par l'air tonifiant des altitudes et le pur amour d'une jeune fillle». Ainsi Edmond Pilon, le critique, voyait-il ces Leviers de commande. Tout content d'un retour à une saine morale après de regrettables excès, il ajoutait: «Trop de romans pimentés ou frelatés nous sont offerts pour que nous n'accordions pas à celui-ci, par réaction, un intérêt qui va plus loin que la sympathie». Nous revient à l'esprit une épigramme  recueillie dans Les Épigrammes du Siècle, Anthologie… établie par les soins de M. Pierre Charron, Archiviste-Paléographe (traduire: Fernand Fleuret), Paris, Éditions du Siècle, 1924, pourvue de cette note de bas de page :  «Sur M. Edmond Pilon, célèbre compilateur»:  

ÉCHO

Compilons!
Compilons!
Compilons!
Compilons!

Suit, dans Le Divan toujours, la critique de Toccarelli, cardinal et pirate, par Edmonde Bernard, aux Éditions de France. Pierre Arrou a trouvé l'auteur pusillanime: «Cette histoire aurait pu être quelque chose d'"hénaurme", comme eût dit Falubert». Sic. Et cette fois, on pense au Falubert de la coquille, par Michel Ohl.
Après le cardinal pirate, arrive Louis Guilloux, pour son Dossier confidentiel. Cet ouvrage venait de paraître chez Bernard Grasset, en juin 1930, après un premier livre, La Maison du Peuple, (Bernard Grasset, 1927), écrit à vingt-huit ans; il donnait l'histoire d'un jeune garçon, Raymond, très lié à un ami  un peu plus âgé que lui, Laurent, qui va mourir à la guerre - celle de 14-18.  L'amie du soldat mort, Lucie, se rapproche de Raymond, mais ce qui devait arriver n'arriva pas: un jour, prêt à embrasser Lucie, Raymond, brusquement pris de honte, renonce et abandonne la jeune fille. Il aboutira en prison, plus tard, dans une autre ville,  accusé d'un crime dont il était innocent. Le journaliste du Divan, Pierre Rossillion, rendant compte de Dossier confidentiel, retrouve la sérénité du critique, après avoir éprouvé un certain trouble, mélange de séduction et d'irritation:

«Encore des confidences d'adolescent inquiet. Celui-là témoigne de dons d'observation pénétrants; mais quel caractère bizarre, tourmenté d'on ne sait quels ferments de révolte, d'un besoin de crime qui l'apparente à certains héros de Dostoïewsky! En dépit d'un désir systématique de créer des mystères à l'aide de situations non dénouées, de demi-mots irritants, ce dossier se feuillette avec intérêt. Comme dans la plupart de ces œuvres, on ne sait pas où l'auteur veut en venir; lui non plus sans doute. Un des traits de la littérature contemporaine est d'avoir créé le roman sans intrigue; il y eut des époques où la lettre fit fureur; aujourd'hui, c'est la confession, procédé commode pour un auteur qui, n'ayant pas le goût des situations romanesques, ou estimant avec raison que le public en est lassé, désire cependant communiquer ses impressions.»

Le livre fut encore signalé par Jean Grenier (Europe, juin 1930), un professeur de philosophie grand ami de Louis Guilloux, breton comme lui et rencontré à la bibliothèque de Saint-Brieuc; par Benjamin Crémieux, dans le numéro 203 de la Nouvelle Revue française; par Albert Thibaudet dans Candide du 5 juin 1930. Puis, Dossier confidentiel, après son apparition en 1930,  ne fit plus parler de lui. Apparition, disparition. Disparition au moins jusqu'en 1987. Le livre était paru dans la collection de Bernard Grasset, dirigée par Daniel Halévy, «Les Cahiers verts» (4e série, n° 10), et il reparaissait dans la collection «Les Cahiers rouges», mais sans que cela fût une renaissance. Simplement, «Les Cahiers verts» étaient devenus «Les Cahiers rouges», une sorte de collection de poche, reprenant les titres des «Cahiers verts», avec tous les défauts impliqués par une production de masse. Et donc, tout aussi disparu, bien que d'une autre manière.
Louis Guilloux devint un auteur connu, et voulait-on en savoir davantage sur lui, on pouvait, en 1982, lire le numéro 11-12 de la revue Plein Chant, (septembre-décembre 1982) Louis Guilloux, pour lequel Yannick Pelletier avait rassemblé études, témoignages et documents, leur ajoutant deux lettres à Jean Guéhenno (rencontré chez Daniel Halévy) et plusieurs textes de Louis Guilloux.
Oui, mais il se trouve que ce numéro est maintenant épuisé : apparition, disparition…
l



- Dans Plein Chant on pouvait lire, page 209,  En mon bel âgeEn voici un passage.

- Catalogue de la revue Plein Chant.


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